SEPTEMBRE, S'INSTALLER POUR DE VRAI.



Dire au revoir à la KAZE, notre maison provisoire et son joyeux voisinage


Anniversaire d'Alsana
                                        Les chansons avec Nico pour apprendre le Malgache

                                 Nambine et son élevage de poulets de chaire. Léa? Contente?

Et du coup, on prépare une petite fête d'au revoir


                                        Ca mange... et ça chante !! Et c'est bôooo!
                                                                            On est là !
                                                                            Eux aussi!
                                                    La bonne odeur du zébu grillé!

                                                                        Photo du voisinage !

 


DU CHANGEMENT DANS NOTRE QUOTIDIEN 

Maison - voiture - école : s'installer pour de vrai 

Voilà, ça y est! Cela fait un bon mois que nous avons investi notre nouvelle maison. A la fois triste d'être moins en immersion avec les copains à cause du gros portail blindé, à la fois chouette de s'être un peu rapprochés de la campagne.



Delph, blasée par l'immensité et le carrelage trop blanc a un jour pris le zébu par les cornes et récupéré une immense palme tombée au sol pour la fixer sur le mur et ramener  un peu de végétal dans cet endroit si... impersonnel. Un ptit joli tissu sur le canap aussi et ah! On se sent un peu plus à la maison.

Et puis, depuis deux semaines, dans notre maison tout confort bah... y'a plus d'eau. Plus d'eau DU TOUT. Du coup la salle d'eau n'en est plus vraiment une, la vaisselle se fait à l'économie et on a construit de superbes toilettes sèches dans le jardin. 


Et le "plus d'eau du tout" nous a ramené une grande aventure au fond du jardin : la création, sous nos yeux ébahis, d'un puit entièrement creusé par... 2  mecs. 

Le creusage d'un puit, ça se fait en 7 couleurs de terres... et avec pas mal de muscles! A ce jour ils sont à 13 mètres de profondeur. Il reste 8 mètres. Complètement sur-réaliste pour nous.

 

 

A gauche, Jako, le gardien de notre maison avec lequel nous vivons beaucoup de chouettes moments de complicité entre parties de foot endiablées, réparation de vérous et sympathie du quotidien. Du haut de ses 52 ans,  il garde la pêche entre les footing et les cours de boxe qu'il dispense!



 Extrait d'une lettre de Manech à ses copains de l'école de France.

"Dans notre jardin, des monsieurs creusent un puit de 20 mètres de profondeur. C’est très très profond! Il y a même quelqu’un dedans! C’est de la vérité! Le monsieur qui est au fond creuse avec une pelle, et met la terre dans un sceau. Celui qui est en haut, tourne la manivelle et remonte le seau car le seau est accroché à une corde. Du coup, à côté du trou il y a des montagnes de terre : de la terre marron, de la terre rose, de la terre blanche et de la terre rouge!
Je vous ai fait le dessin tout seul!"






C'EST LOIN L'ÉCOLE MAINTENANT!

Et ça tombe bien! Sam a récupéré la voiture de fonction. Vous savez, celle de l'usine Karenji du Relais, LA voiture MALGACHE. Moi, les grosses voitures, j'aime pas ça! Mais alors pas du tout ... surtout dans un pays qui n'roule pas sur l'or. Pourtant, celle-ci, je l'aurais presque dans l'coeur. Car celle-ci, c'est plus qu'une voiture, comme ils disent dans la pub! Et je flirt avec elle, dans son usine, depuis quelques semaines déjà ... 

 

 

Cette voiture, c'est une carrosserie entièrement moulée en feuilles de fibres de verre stratifiées et résine par René et Zo (attention l'odeur à l'usine, ça décoiffe), des charnières en alu coulées dans des moules puis usinées unes à unes avec un tour à métal par Joseph et son ami fan de Francis Cabrel; des housses, des protèges boite de vitesses et des tapis de voiture découpés un à un d'après un patron en plastique dur puis cousus à la machine par Espérance au rayon "capitonnage", des circuits électriques organisés, montés et vérifiés par celle dont je n'sais plus le nom mais qui m'a laissée toute une matinée faire un inventaire de pièces électriques nécessaires au câblage. Toutes ces pièces montées, assemblées, ajustées par Rony et son équipe m'épatent. Cette voiture, même si je me sens détestable quand je roule avec, cette voiture, je crois que j'l'aime!

Et les enfants aussi...

 

"Lea :  - Moi je veux rentrer à la maison de Lespinassièrrreu!!

Manech : - Mais Lea, si tu rentres tu pourras plus aller dans la Karenji!

Léa : - Ah! D'accord, je reste alors, je reste à Madagascar!!"

Les choix des enfants tiennent à si peu de choses parfois...

 

ET L'ÉCOLE ?

Les enfants sont ravis! Léa a un peu pleuré au début mais a vite trouvé ses marques. Les deux vont et reviennent chaque jour avec la joie au cœur. Grand soulagement pour les parents! 

Extrait d'une lettre écrite par Léa à sa nounou :

"Je suis bien!
Je fais des puzzles, des vaisseaux en lego, je joue avec Manech à rouler la bouteille ou la boîte de pâte à modeler. Avec Manech, on joue au carton. Moi je suis assise dans le carton et Manech il me pousse très fort avec sa tête. C’est la voiture Karenji. On part en Australie, dans le couloir, à Saint Malo, chez Papypol et Mamig, en Australipithèque ou au canapé. A mon école, je joue à la poupée. A Madagascar, je vois des zébus, des lémuriens, des grooooosses tortues et aussi des Karenji.

C’est bientôt mon anniversaire de 3 ans!"

 

SAM ET SON "PROJET" PLEIN DE NOEUDS 

Sam prend la plume: 

"Mada, ses plages, ses baobabs, ses lagons, sa débrouille... En fait, non. Pas vraiment. Enfin, pas pour le moment. Parce que mon menu quotidien depuis août, c'est plutôt appel d'offres et marchés publics, état récapitulatif des dépenses (ERD), supervision, séances de capitalisation, manuel de procédures admin/fin à rédiger ou encore impôt sur les marchés publics (qui est, pour ceux et celles que cela intéresse, de 8%. C'est précis). Autant dire que ce n'est pas ce que j'avais imaginé. Mais alors pas du tout. Et pas ce qui me fait kiffer.  Naïveté sans doute, mais aussi (et surtout) bureaucratie à tous les étages, chaque jour, pour tout... bref, pas l'éclate. Surtout quand la mission est de mettre en place des activités d'insertion dans deux prisons... qui ne sont pas ouvertes. Bref, complicado, complicado. L'impression d'être un (mauvais) acteur du nouveau film de Ken Loach. Vous l'avez compris, il va falloir que ça change! Mais oui, j'y crois! :)"

 

Photo de la "nouvelle prison". Celle où Sam devrait mettre en place son projet mais... dans laquelle il n'y pas de détenus.  En effet, suite à l'inauguration, les mecs sont repartis avec les poteaux et fils électriques... il n'y a donc ni eau, ni élec... un peu compliqué pour accueillir 900 détenus.

Sinon le site est magnifique et invite fort au maraichage, ce qui pourrait vraiment soulager des estomacs désespérément vides et dans lesquels riz et manioc se battent en duel.

 Alors, faute de perspectives de déménagement imminent de l'ancienne prison vers celle-ci, Sam ne manque pas d'idées : " je prends 15 gars et on y va, on se fait une annexe de la prison et on cultive!".Et, ni une, ni deux, il dresse la liste du matériel à acheter pour mettre en place ce grand chantier maraichage.

Bon, OK, la pompe toute neuve au fond d'un unique puit ne fonctionne déjà plus mais... ça peut se réparer.

Sauf que... il y a encore des litiges entre le ministère de la justice et des habitants qui utilisent et cultivent certaines terres depuis longtemps. La grosse majorité des terres, celles qui pourraient être assez vite exploitées ne présentent aucun soucis de litige mais... il manque encore aussi, et toujours ... des AUTORISATIONS!

Autant dire que pour un mec d'action comme Sam, l'épreuve est un peu rude.
 

LES EXPLORATIONS DE DELPH 

Sam qui bosse, Delph en année sabatique.

Dans la perspective de donner un coup de main comme bénévole au Relais Madagascar, Delph explore toutes les activités du Relais à travers le programme d'intégration. Une immersion passionnante au cœur d'une entreprise sociale et solidaire vraiment très chouette : 

Semaine 1 : Tri des balles de fripes du Relais avec cours de Français/ Malgache associé " une jupe bleue"/ Un pantalon noir"... une danse aérienne de tissus colorés.

"- Pourquoi ils donnent tout ça les français? "

Comment répondre que juste... " ça ne leur plaît plus"! les français filent leurs fripes, moi ça me file des frissons...

Des pôles comme celui-ci, il y en a 8. Après ce tri général, chaque atelier devra affiner le tri, passer les vêtements tâchés ou troués en "troisième choix", séparer le jersey du coton ou du jean et distinguer une chemise mec d'une chemise femme grâce à la place de la boutonnière. A chaque "stand" je pénètre dans un nouveau cours de vocabulaire : manche longue/ manche courte, vêtement été/ hiver, adolescent, enfant, adulte... mon malgache grimpe une petite marche car ici, on ne parle pas beaucoup français!

Et, résultat des courses, dans les rues de Fianarantsoa, le quartier An-zoma est entièrement consacré à la frippe. Dans la rue ou dans les boutiques, chaque stand est spécialisé qui dans les draps, les serviettes, les chaussettes, les jupes... Dans la rue, le dress code est donc globalement à l'occidental... outre les tissus colorés noués autour de la taille par dessus le pantalon ;)

Semaine 2 : Immersion au CTVD , centre de tri des déchets de la ville de Fianarantsoa où après un départ en navette à 5h20 le matin, je me retrouve accroupie toute la matinée pour séparer les plastiques ... du reste (organique) . Car tout le reste a déjà été récolté dans les containers de la ville, fouillés en permanence par des gens à la recherche de petits trésors à revendre ( boîtes de conserves, bouteilles en plastiques vides, restes de repas, tout objet réparable...)

Au CTVD, les " déchets ultimes" (essentiellement sacs plastiques fins, couches et emballages de biscuits) sont entassés sur une immense montagne pas du tout glamour et ensevelis au fur à mesure. Evoluer au milieu de ces déchets met quand même une bonne petite claque.


J'ai aussi la chance d'aller découvrir une autre activité du Relais : la trieuse de riz au cœur de la brousse. On se croirait au moulin de Sales, sauf qu'en lieu et place du blé, nous trouvons du riz. Un riz qui est trié puis poli jusqu'à devenir bien blanc. Cette machine reste très atypique. Le plus souvent, le riz est plutôt trié à l'aide de petits tamis et surtout, trait du paysage quotidien, re trié à la main dans une grand auge avant chaque cuisson (magnifique spectacle qui consiste à jeter le riz en l'air comme nous faisons des crêpes et à secouer délicatement pour faire apparaitre petits cailloux et écorces récalcitrantes.  Évidemment, le tri manuel reste imparfait... et on s'étonne presque si d'aventure on avale une assiette de riz sans trouver un caillou qui craque entre les dents.

                                                           

                    Intérieur de l'usine, sacs de riz

             Padi ( riz dans son écorce) qui sèche au soleil


                               

                      Premier  tri vulgaire du riz.


Semaine 3: Tant attendue, l'immersion dans l'usine Karenji, Soa Tao ( Soa: beau, bien / tao : fait) 

Premier jour à l'atelier, je grouille d'enthousiasme à l'idée de découvrir l'atelier et lorsque j'entre dans l'atelier de soudure, on me présente... le vélo rail. Une commande passée au Relais par un ami de Luc Ronssin (le responsable).  En effet, dans les couloirs de l'usine Karenji, des bureaux à la soudure en passant par l'usinage de pièces et la mécanique, tous les savoirs faire sont là pour réaliser presque les doigts dans le nez le dit projet. 

Je participe donc au remontage de la chose. Dans deux jours, le vélo rail sera testé in situ sur les voies du chemin de fer reliant Fianarantsoa à la mer. Je serai de l'aventure!


Karenji garée sur le quai, vélo rail en piste et équipe d'ingénieurs en réflexion, heureux, curieux, inquiets à l'idée de tester "en vrai" leur précieux prototype. Et contre le mur, le vélo que j'ai loué à la journée pour pouvoir revenir après les 20 km de pédalage sur les rails. Car le vélorail sera suivi par la Karenji puis hissé sur le toit pour rentrer au bercail.

                    Vérification/ comparaison de l’espacement des roues wagon de train/ vélo rail.

Et maintenant?

Maintenant que j'ai pris mes marques, je m'embarque dans la mise en place du Fab Lab, un atelier partagé à destination des salariés du Relais... ainsi que des cours de français tant réclamés ici...  à suivre!

  

Voilà: 

Petit aperçu de notre quotidien septembre/octobre

Plein de joies mais pas simple tous les jours  non plus.

En guise d'illustration, quelques débats qui animent nos soirées :


- Sam, sérieux, qu’est ce qu’on fout là dans cette grande maison de richoss avec portail blindé, barbelés et gardien … 


- Oui, c’est clair qu’on n’a pas besoin d’une si grande maison! En même temps à la Kaze, Léa a choppé des puces … Puis c’est bon Delph, arrête d’être toujours extrémiste dans ta conception du voyage. Et d’ailleurs, rappelle toi le deal de départ : on n’est pas en voyage là, on est en « expatriation », c’est pas pareil. Moi je bosse tous les jours j’te rappelle. 


- Mouais… bah moi franchement j’pense pas être capable de supporter longtemps d’être si riche dans un pays pauvre. Ça me fout les boules de me rendre compte qu’on s’y attache à nos privilèges. Faut juste s’entraîner à ne pas trop y penser, aux pauvres? C'est ça? Puis après ça va. Quand on y pense pas, ça va... Ou donner, donner mais à qui? Comment? Quand absolument tout le monde a besoin de tes sous... Moi je ressens que vivre avec peu me serait plus supportable.


- C’est quoi ton truc de vouloir vivre « comme les pauvres » en fait??? Tu veux singer la misère?


- Je sais pas … une réparation ptètre d’être une descendante d’une riche famille blindée de tunes.


- Bah moi, en tant que petit fils d’agriculteurs et de générations qui n’ont fait que trimer, ramasser des cailloux dans les champs l’été et faire les devoirs sur un bout de carton… franchement ça me fait pas bander de jouer au pauvre. Il me semble qu’il y a d’autres façons d’aller à la rencontre d’une culture. 


- Heu… oui vu comme ça… non en fait je crois aussi qu’il y a un truc de … je n’sais pas… d’authenticité. Ah oui, un quelque chose qui reste un peu indemne d’une société de consommation et d’écrans que j’ai en horreur. Le même truc peut-être que je recherche dans la forêt. Ici , on dirait que les riches rejettent pas mal leur culture, abandonnent même parfois leur propre langue au profit du français, promesse d’ascension sociale. Aussi c'est juste pas tolérable cette injustice, ces écarts immenses.


- Et ton délire de vouloir manger que des trucs de la rue? 


- Je sais pas, venir ici pour aller au Carrefour Market, ça casse l’ambiance... et quand tu pense que le prix d'un yaourt à Carrefour c'est celui d'un repas dans la rue. En même temps j’avoue que pendant presqu’un mois le leitmotiv dans la bouche des enfants « maman, j’ai mal au ventre » m’a un peu calmée.


- Mais vas-y Delph, dégotte nous des trucs à déguster, à découvrir… explore le marché!! Moi, avec le boulot, j’ai pas trop le temps de fouiner mais je ne demande que ça!


Et puis, rappelle-toi tu disais que tu voulais partir sans téléphone ni ordi et finalement tu me demande le partage de connexion tous les soirs.


- Bon oui, ça, ça s’appelle la faiblesse. Mais déjà, je me fais du gros répit sans smartphone toute la journée et c’est très cool. 

Mais franchement Sam, je m’éclate moi, au quotidien. Tu dis qu’on n’est pas en voyage mais moi franchement, je me fais mon ptit voyage. Un voyage sédentaire. Ma petite soupe spéciale au petit dej après avoir déposé les enfants à l’école, les négociations et tentatives de malgache au marché, les journées passées à l’atelier de soudure, à vivre de l’intérieur ce qu’il se passe dans cet atelier avec pignon sur rue, les retours de l’école tous serrés dans le taxi brousse… ces détails, ces odeurs me nourrissent. 

- Bah moi je m'ennuie dans ce projet qui plombe ... pfff






 

 

 

Commentaires

  1. On comprend tellement ce que vous vivez...On est replongé dedans...Avec toutes ces joies et ces difficultés...Merci pour vos partages...authentiques ! Les chicouf revenus de Mada depuis 3 ans (Manue et Jean-Phi)

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